Une analyse globale pour mieux comprendre les effets des aléas climatiques extrêmes de l’azuré des mouillères en 2022

En 2024, une vaste analyse des données de suivis sur des sites répartis sur la moitié ouest de la France a été réalisée.
Après le constat du déclin de certaines populations sur les sites suivis – mais pas sur tous – , il était nécessaire de comprendre les effets des contextes climatiques responsables de la chute ou du maintien des populations. Ce travail s’est appuyé sur les données de suivis des partenaires sur une quinzaine de sites de la Normandie au Pays basque*.

*Merci aux organismes des régions Bretagne, Centre-Val de Loire, Normandie et Nouvelle-Aquitaine qui ont bien voulu partager leurs données

Description de la carte

Cette carte est centrée sur la France, dans sa totalité. Il s’agit d’une photo satellite. Sur cette carte, les logos des structures responsables des suivis de l’azuré des mouillères sont intégrés et localisés au niveau de leur territoires d’action. Ceci permet de comprendre la localisation des sites dont les données de suivis sont intégrées à l’étude présentée ici. Du nord au sud, les logos sont ceux de : CPIE Cotentin (au niveau de la Normandie), GRETIA (en Bretagne), Réserve Naturelle National du Pinail (dans la Vienne) et, plus à droite et plus central, la Réserve Naturelle de Chérine (en région Centre-val de Loire), Cistude Nature (en Gironde) et, enfin, le CEN Nouvelle-Aquitaine (au niveau du Pays basque).

Carte de localisation des acteurs des suivis de l'azuré des mouillères

Ces différents sites ont des caractéristiques variées, tant au niveau climatique (températures & précipitations) qu’au niveau des habitats, plus ou moins humides et plus ou moins ouverts.

Les facteurs influençant la reproduction de l’azuré des mouillères

L’humidité du sol semble être un facteur influençant la santé des populations d’azuré des mouillères.

Face à des sécheresses de plus en plus importantes, la bonne fonctionnalité des zones humides, lieu de vie de cette espèce, est donc primordiale pour atténuer les effets délétères du changement climatique.

Le nombre d’œufs pondus par l’azuré des mouillères est corrélé à l’humidité des sols à l’automne et à l’hiver précédent la ponte, soit au moment où les chenilles ont été prises en charge par les fourmis et poursuivent leur développement dans la fourmilière. Elles se métamorphoseront avant leur sortie sous forme de papillon dans l’été. Il peut alors se reproduire et pondre.

Nombre d’œufs pondus en fonction de l’humidité des sols de l’automne et l’hiver précédant la ponte
Description du graphique

En abscisse : l’indice d’humidité des sols pour l’automne et l’hiver précédant la ponte (qui a lieu en été). L’indice se situe entre 0 et 1,25.
En ordonnée : le nombre d’œufs d’azuré des mouillères comptés sur les bourgeons de gentiane pneumonanthe en été, entre 0 et 4000.
Des points sont disposés sur le graphe, correspondant aux différents relevés sur les sites étudiés et selon les années (années prises en compte : 2021, 2022 et 2023). A partir de ces points, une courbe de tendance est calculée statistiquement, représentée en noir sur le graphe. C’est une courbe légèrement ascendante, montant que plus les sols sont humides en automne et en hiver, plus le nombre d’œufs pondus est important à l’été suivant.
Un intervalle de confiance est représenté autour de cette courbe, matérialisé par une zone grise.

Et la gentiane pneumonanthe, plante hôte de l’azuré des mouillères ?

Si le développement de ses hampes florales semble dépendre des précipitations et de l’humidité des sols au printemps , il ne semble pas y avoir de lien direct entre le développement de la plante et la reproduction du papillon.

Nombre de hampes fleuries en fonction des précipitations printanières
Nombre de hampes fleuries en fonction des précipitations printanières
Description du graphique

En abscisse : les précipitations au printemps en mm.
En ordonnée : le nombre de hampes fleuries de gentiane pneumonanthe en été, entre 0 et 5000.
Des points sont disposés sur le graphe, correspondant aux différents relevés sur les sites étudiés et selon les années (années prises en compte : 2021, 2022 et 2023). A partir de ces points, une courbe de tendance est calculée statistiquement, représentée en noir sur le graphe. C’est une courbe ascendante, montant que des précipitations abondantes au printemps favorisent la floraison des gentianes.
Un intervalle de confiance est représenté autour de cette courbe, matérialisé par une zone grise.

Les pluies printanières favorisent le développement des hampes florales

Un effet positif significatif des précipitations sur la plante a pu être observé au printemps. Ainsi, une augmentation des apports hydriques lors de cette saison est favorable à la multiplication des hampes et à la survie de la plante.

L’humidité des sols agit dans le même sens

L’humidité des sols est nécessaire au bon développement des gentianes. Ce paramètre ne dépend pas que des précipitations printanières, mais de l’ensemble du régime annuel des pluies et de la nature des sols qui gardent plus ou moins l’eau.

Nombre de hampes fleuries en fonction de l'humidité des sols au printemps
Nombre de hampes fleuries en fonction de l’humidité des sols au printemps
Description du graphique

En abscisse : l’indice d’humidité des sols au printemps.
En ordonnée : le nombre de hampes fleuries de gentiane pneumonanthe en été, entre 0 et 25000.
Des points sont disposés sur le graphe, correspondant aux différents relevés sur les sites étudiés et selon les années (années prises en compte : 2021, 2022 et 2023). A partir de ces points, une courbe de tendance est calculée statistiquement, représentée en noir sur le graphe. C’est une courbe ascendante, montrant que plus le sol est humide, plus le nombre de hampes fleuries est important.
Un intervalle de confiance est représenté autour de cette courbe, matérialisé par une zone grise.

Papillon & plante-hôte : une interaction visible ?

Aucune corrélation significative n’a pu être démontrée entre le nombre de hampes de gentiane pneumonanthe et l’abondance de ponte de l’azuré des mouillères. Ainsi, on peut émettre l’hypothèse que lorsque le nombre de hampes de gentianes diminue, les azurés concentrent leurs œufs sur les tiges disponibles, mais n’en pondent pas nécessairement moins : si la population de gentiane pneumonanthe diminue, les boutons présenteraient plus d’œufs en moyenne. Mais cela impliquerait une diminution de la survie des chenilles d’azuré des mouillères, puisque leur source de nourriture est moins importante.
L’effet d’une diminution du nombre de hampes fleuries de gentiane pneumonanthe sur l’abondance de ponte de l’azuré des mouillères ne serait donc visible que l’année suivante, durant laquelle les papillons seraient moins nombreux. Cette hypothèse n’a pas encore pu être testée…

En conclusion

Face à des sécheresses de plus en plus intenses en raison de la crise climatique, y a-t-il des leviers d’action permettant d’en atténuer les effets ?

La qualité et la bonne fonctionnalité des zones humides est un élément clé de la sauvegarde de ce papillon protégé et de sa plante-hôte. Si nécessaire, des actions de restauration peuvent améliorer leur capacité à retenir l’eau. L’analyse des données montre en effet un effet amplifié par la bonne qualité des zones humides de l’influence positive des précipitations automnales et hivernales.

Notons que comme beaucoup d’autres espèces, la présence de microclimats diversifiés au sein de l’habitat semble un critère déterminant de l’atténuation des effets du changement climatique.

Merci à Amélie Bergerot qui a conduit cette étude en 2024 à Cistude Nature.