Évolution de la flore des zones humides 2016-2021

Les tourbières

Les suivis réalisés sur les tourbières mettent évidence des cortèges d’espèces sont relativement stables mais le développement des ligneux (fermeture du milieu) est à signaler. Entre les deux relectures, la proportion d’arbres et d’arbustes est plus importante, mais ils sont au stade de plantules. La capacité des individus à se maintenir et à croître dans les années à venir formera un indicateur plus fiable de fermeture réelle. La proportion d’espèce pionnières des tourbières est aussi en diminution. Ceci peut aussi être le signe d’une fermeture du milieu lié à l’abandon de pratiques comme le pâturage.

Illustration du développement des ligneux dans une tourbière
Description de l’illustration

A gauche, photo d’une tourbière avec sa végétation herbacée, basse. A droite, photo d’une tourbière colonisée par des bouleaux. Entre les deux photos, une flèche matérialise le passage temporel et le développement des ligneux (indiqué « colonisation des ligneux » sur l’illustration) au sein des tourbières, soit d’un changement de milieu.

Le changement climatique ayant des effets sur les précipitations et le bilan hydrique, l’alimentation en eau des tourbières pourrait devenir insuffisante et conduire à un assèchement progressif. Ceci pourrait favoriser la croissance des arbres et des arbustes, freinée pour le moment par l’engorgement de ce type de milieu.

La modélisation de l’évolution des conditions climatiques favorables aux espèces de tourbières selon les projections 2013 du GIEC tend vers une réduction des aires favorables au maintien des tourbières et des espèces typiques de ce milieu.
Sont en cause la hausse des températures, associée à des précipitations plus aléatoires : le stress hydrique augmenterait. Les espèces les plus dépendantes de l’eau pourraient ne pas se maintenir, tandis que des espèces plus ubiquistes quant aux conditions hydriques du milieu pourraient être favorisées : le faciès de ces secteurs pourrait changer.
Ces premières tendances n’incluent pas des phénomènes connexes à l’augmentation de la température et à l’assèchement, comme l’enrichissement du sol en nutriments et la moindre capacité de rétention de l’eau. Ces processus contribueront à la transition de végétations.

Les lagunes et berges des étangs arrière-dunaires

Le suivis des dispositifs de lecture de la végétation des lagunes et des berges des étangs arrière-dunaires mettent en évidence les tendances suivantes :

  • Une progression non négligeable de la molinie, espèce des ceintures de végétation les plus externes, là où l’exondation est la plus longue.
  • Une régression de la présence et de l’abondance du jonc bulbeux, espèce adaptée à de longues périodes d’inondation et présente dans les ceintures internes. Il en est de même pour les espèces amphibies.
  • L’apparition d’espèces de milieux plus riches en nutriments, mais aussi d’espèces pionnières adaptées à des inondations de courte durée. Les différences de niveaux d’eau entre les années, une période d’exondation plus longue et une vitesse d’exondation plus rapide peuvent favoriser ce type d’évolution.

Les espèces et les végétations typiques de ces milieux patrimoniaux régressent depuis une trentaine d’années en raison des pressions humaines exercées sur ces milieux. Le changement climatique s’y surajoute.

Description de la vidéo

Les lagunes de Gascogne sont des milieux extraordinaires. Pas étonnant de voir défiler ici de nombreux naturalistes.
Maud cherche activement un lézard du froid. Il a trouvé refuge entre les touradons de molinie. Et lorsque la journée est terminée,c’est la nuit que Maud s’activeà la recherche d’une grenouille. Elle aussi est unique en son genre : c’est la rainette ibérique.
Gilles est spécialiste des libellules. Il suit particulièrement l’une d’entre elles, rare et d’affinités boréo-montagnardes.
Quant à Kevin, il se penche sur les pelouses amphibies et leur cortège floral exceptionnel.
Toutes ces espèces se concentrent sur les lagunes car elles y trouvent les conditions nécessaires à leur maintien : omniprésence de l’eau, pauvreté et acidité du milieu ou encore pentes douces plus ou moins inondées. Ces milieux uniques au monde sont comme des perles disséminées dans un océan de pins maritimes et de maïs.
Même si les lagunes sont aujourd’hui protégées par la loi, elles restent menacées par les activités menées à leurs abords. L’épandage d’engrais chimiques, la culture intensive de pin maritime ou encore l’irrigation à grande échelle sont autant de pratiques qui impactent l’eau du territoire et donc des lagunes.
Certaines lagunes manquent d’eau. D’autres ont vu leur cortège végétal se banaliser par eutrophisation du milieu.
Maud a fait des observations inquiétantes pendant ces 5 années de suivi. Lors des étés les plus secs les activités de la rainette ibérique et du lézard vivipare ont drastiquement réduites, menaçant à terme la reproduction de ces espèces.

Maud décrit la situation : « Il faut imaginer qu’il y a presque un siècle, c’était un réseau entier de lagunes. Maintenant, tout est morcelé, coupé, drainé, anthropisé. Tous ces impacts viennent s’ajouter à la problématique du réchauffement climatique. Maintenant que les populations sont vraiment isolées les unes des autres et morcelées, ça devient très complexe. C’est donc toute notre façon d’agir qui va falloir modifier. Peut-être justement limiter toutes ces cultures ou ces phénomènes de drainage et d’assèchement. Essayer de recréer les corridors écologiques qui est reconnectent un petit peu ces zones. Mais il y a des secteurs où ça va devenir très très compliqué maintenant.

Toutes ces espèces ont  trouvé refuge ici il y a plus de dix mille ans. Aujourd’hui menacées, elles nous posent cette question : Serons-nous capables de remettre en cause notre manière de produire afin d’atténuer les effets du changement climatique sur ces milieux.
Saurons-nous prendre en compte dans nos choix de société l’existence des derniers habitants de ce qui fut jadis une gigantesque zone humide ?

La modélisation prédictive met en évidence une régression des conditions climatiques favorables à la flore typique de ces milieux. Les facteurs climatiques les plus explicatifs qui se dégagent de ces modélisations sont la durée plus longue des sécheresses, la baisse de l’humidité relative et la hausse des températures.
Ces évolutions climatiques pourraient toutefois être tamponnées par des conditions stationnelles et micro-climatiques qui ne sont pas ou mal prises en compte à travers ces travaux de modélisation. La résistance de la flore pourrait donc être sous-estimée ici, sous condition de la préservation de ces paramètres locaux favorables.

Téléchargez les résultats Nouvelle-Aquitaine

Une première vague de résultats 2016-2021 des suivis réalisés en Nouvelle-Aquitaine a été produite. Deux versions résumées sont disponibles en cliquant sur les boutons ci-dessous.