Une publication scientifique prestigieuse !

« Journal of biogeography » a publié un article proposé par Michaël Guillon, coordinateur scientifique du programme Sentinelles du climat en Nouvelle-Aquitaine en collaboration étroite avec Olivier Lourdais, chercheur au CNRS de Chizé et référent scientifique du programme. Le journal, classé dans le Top 50 des presque 500 revues scientifiques internationales sur l’écologie, témoigne ainsi de l’intérêt et de la qualité des travaux conduits par les équipes du programme.

Quelles sont les avancées exposées dans l’article ?

Dans les publications scientifiques, les scientifiques font état des avancées de leurs travaux et partagent ainsi les nouvelles connaissances avec leurs paires. En règle générale, un comité de lecture étudie la publication avant de valider (ou non !) la valeur des résultats et la rigueur de la méthode scientifique suivie. Ici, l’article publié expose 3 avancées en matière de science du climat/biodiversité :

La modélisation des impacts du changement climatique sur les espèces est d’autant plus fiable qu’elle est basée sur des variables liées à l’écophysiologie – aux réponses des organismes. C’est-à-dire ? Nos travaux se penchent sur des espèces dont les individus sont sensibles aux modifications climatiques. Cependant et étonnamment, les variables utilisées pour mesurer les effets du changement climatique ne sont pas nécessairement choisies en tenant compte des besoins et contraintes des espèces étudiées. Par exemple, le Lézard vivipare, espèce des milieux frais et humides, souffre l’été des températures maximales : cette variable sera donc plus précise et efficace que la température moyenne annuelle pour prédire les effets du changement climatique sur les populations. Il en va de même pour le bilan hydrique estival – i.e l’eau disponible = la quantité de pluie l’été moins l’évaporation – par rapport aux précipitations annuelles. Car cette dernière variable ne fait pas la différence entre une année A avec un été pluvieux / un hiver sec et une année B avec un été sec / un hiver pluvieux. Pourtant, l’année B sera bien plus délétère que la A pour les espèces des milieux frais et humides.

Il est maintenant démontré que l’été est une période clé pour la persistance des espèces adaptées aux milieux frais et humides. C’est le corolaire de la démonstration précédente ! En se basant sur les variations passées de changement de répartition des espèces adaptées au froid, nous venons d’expliquer que dans un contexte de réchauffement global les variables estivales devraient être plus fiables pour mesurer et prédire l’impact du changement climatique sur les espèces des milieux frais et humides. Les scientifiques démontrent aussi que l’été est une période clé pour définir les aires climatiques favorables à ces espèces et les capacités de persistance des populations. Et de fait, les populations en limite d’aire de répartition sont particulièrement exposées et menacées.

Tout porte à croire que le lézard vivipare est présent dans le triangle landais depuis près de 120 000 ans !
Comment ? Il y a 12 000 ans la planète est sortie d’une ère glaciaire pour se réchauffer et nous offrir un climat plus chaud dit « interglaciaire » que nous connaissons et qui est maintenant en crise. Cette ère glaciaire avait débuté à -115 000 ans et a connu son maximum glaciaire (un pic de froid) à -21 000 ans. Nous savons maintenant que le secteur landais étaient également climatiquement favorable aux lézards vivipares lors de ce pic de froid en pleine période glaciaire. En supportant ainsi à la fois les conditions glaciaires les plus froides mais aussi interglaciaires actuelles les plus chaudes, les populations de lézard vivipares du triangle landais semblent s’être maintenue au fil des millénaires jusqu’à notre époque soit près de 120 000 ans de continuité de conditions climatiques favorables : un résultat d’ailleurs corroboré par les récentes études génétiques sur l’espèce.
L’article expose une démarche similaire pour définir les refuges glaciaires où vivaient vraisemblablement les populations originelles qui ont permis à la vipère péliade de persister actuellement dans le Limousin.

Au moins 120 000 ans : après tout ce temps, il serait triste de voir disparaître ces populations…

Consulter la publication scientifique : Inferring current and Last Glacial Maximum distributions are improved by physiology-relevant climatic variables in cold-adapted ectotherms