Intimement dépendant des milieux humides et frais, le Lézard vivipare atteint sa limite de répartition la plus méridionale en Nouvelle-Aquitaine et dans les Pyrénées. Il retrouve en altitude les conditions de fraîcheur nécessaires à sa survie et sa reproduction. Il demeure néanmoins présent en plaine dans les zones humides du massif landais : landes humides, tourbières ou lagunes, ces petites étendues d’eau douce formées il y a plus de 10 000 ans, présentes dans les Landes et le sud de la Gironde.
Un collectif de chercheurs du CNRS s’est associé à l’équipe de Cistude Nature pour conduire une étude génétique. Via des prélèvements de salive, le génome de plusieurs populations a été étudié sur un gradient altitudinal partant des zones humides des plaines jusqu’aux prairies d’altitude et tourbières des Pyrénées. Pour Andréaz Dupoué du CNRS de Moulis à l’initiative de ces travaux :
Les résultats sont édifiants, non seulement les lézards vivipares sont bien moins abondants dans le massif landais mais ils ont un patrimoine génétique nettement différent des autres populations, un plus fort taux de consanguinité visiblement concomitant à une interruption du flux de gènes entre les populations. L’interprétation est simple : il y a un risque imminent d’extinction locale.
Comment expliquer cet appauvrissement génétique ? Pour Maud Berroneau, spécialiste de ces populations de reptiles à Cistude Nature, la connaissance du terrain ne laisse pas de place au doute :
entre les plantations massives de Pin maritime ces derniers siècles ou, plus récemment, l’extension de la maïsiculture et l’urbanisation galopante, l’humain a réduit drastiquement ces milieux. Aujourd’hui les zones humides du massif landais sont déconnectées les unes des autres et les individus de Lézard vivipare, fatalement moins nombreux, ne peuvent plus se mélanger.
Prélèvement salivaire par écouvillonnage pour analyse génétique © M. Berroneau
Un appauvrissement de la diversité génétique induit une homogénéisation des individus et peut fragiliser la résilience des populations face aux perturbations. Les lézards vivipares du massif landais apparaissent notamment plus affectés par le réchauffement climatique en cours que leurs cousins des Pyrénées ou plus au nord vers le Limousin. Les observations réalisées dans le cadre du programme « Les sentinelles du climat » depuis 4 ans révèlent d’ailleurs que les lézards vivipares y sont bien moins actifs lors des années chaudes et sèches comme 2017, laissant penser qu’ils se mettent alors à l’abri. Maud Berroneau, en charge de ces suivis à Cistude Nature, témoigne :
Cette année-là, les observations de lézards des murailles, le lézard très commun que l’on trouve partout en France, ont nettement dépassé la moyenne.
Une autre étude comparative avec les populations de vivipares plus en altitude, sur la morphologie et la physiologie cette fois, alerte aussi les scientifiques. L’analyse menée démontre que l’eau est un facteur déterminant pour l’espèce : les lézards des populations exposées à des précipitations plus faibles et des températures plus élevées sont plus petits et plus maigres. Dans le triangle landais, les modifications de précipitations et de températures liées changement climatique peuvent donc fragiliser encore davantage ces populations déjà relictuelles.
La menace pesant sur ce reptile subsistant dans les zones humides, comme les landes humides ou les lagunes caractéristiques du triangle landais met en lumière la nécessité de mesures fortes de conservation. Et la combinaison d’approches comparatives à différents niveaux d’organisation (gènes, individus, population) révèle justement comment protéger le Lézard vivipare, et donc les autres espèces de ces milieux. En particulier, limiter le drainage et maintenir la proximité de bordures forestières (bourdaines, saules, trembles…) suffisamment denses sont des actions à tester.
De la préservation de ces milieux dépend la sauvegarde de tout un écosystème. Car le Lézard vivipare est ce qu’on appelle une espèce parapluie : protéger son habitat c’est aussi conserver bien d’autres espèces inféodées à ces milieux frais et humides telles que la rainette ibérique – une grenouille, les leucorrhines – des libellules, ou encore les droseras, les bruyères et la gentiane pneumonanthe pour la flore.
Pour aller plus loin :